Il vaut mieux débattre d'une question sans la régler que la régler sans en avoir débattu. (Joseph Joubert)

5 mai 2011, deux émissions sur la sauvegarde du patrimoine archéologique.

Sur France Inter de 14 à 15h "La tête au carré" 
Thème de l'émission : LA SAUVEGARDE DU PATRIMOINE ARCHEOLOGIQUE.
Animateur : Mathieu Vidard, Animateur/producteur de "La tête au carré".
Invités : Yves Coppens, paléontologiste et paléoanthropologue. André Delpuech, conservateur en chef du patrimoine. Michel Florenzano, architecte.
Extraits :

44:42
Mathieu Vidard : Ce message d'Hélène, qui est à Lyon : "[...] Dans l'absolu tout peut paraître intéressant à conserver, comment fait-on le tri pour pouvoir avancer et aussi pour ne pas tout figer ?"
André Delpuech : C'est un vaste débat qui est le quotidien par exemple des SRA du ministère de la culture. face à l'aménagement du territoire et avec l'avis de conseils scientifiques qui rassemblent les différents intervenants de la communauté scientifique, c'est de faire le choix, scientifique, que tel site mérite d'être fouillé et que tel autre site on va le laisser être détruit...
Mathieu Vidard : Sur quels critères ?
André Delpuech : Alors ben c'est un jugement délicat, difficile parce qu'on a pas la science infuse et on a parfois des surprises bonnes ou mauvaises. Et c'est aussi sur l'état des connaissances un moment donné de la discipline on va juger que telle villa romaine, par exemple, ne mérite peut-être pas d'être étudiée, parce qu’elle est mal conservée, ou on a des exemples similaires ou autres, mais c'est toujours un peu la mort dans l'âme parce que ...
Mathieu Vidard : J'imagine.
André Delpuech : Mais c'est indispensable, on ne peut pas.... Les territoires sont peuplés depuis des millions d'années, les vestiges sont là de toutes les époques, accumulés et donc... tout est vestige archéologique !

50:15
Mathieu Vidard : Georges nous envoie ce message de Lyon : On ne dit rien sur les pillages, et pourtant des sites archéologiques sont détruits chaque jour par des pillards et ce partout dans le monde ? Ça vous confirmez ?
André Delpuech : C'est un véritable problème [...] De la même façon, en France, on a un sérieux problème avec les détecteurs de métaux des gens qui... malgré une législation qui encadre cette utilisation, c'est pour détecter les métaux et notamment les pièces de monnaies, antiques en particulier, et là certaines personnes vont creuser délibérément, alors que c'est formellement interdit, les sites et comme ça prélever des témoignages à jamais.


À 19h, débat en direct sur le site du CNRS. 
Thème du débat : Lascaux, Pompéi, Angkor… peut-on sauvegarder notre patrimoine archéologique ?
Animateur : Mathieu Vidard (voir ci-dessus).
Invités : Les mêmes plus Marc Drouet, sous-directeur de l’archéologie à la direction générale des patrimoines du ministère de la Culture et de la Communication.
Séquences concernant les détecteurs de métaux. 

49:37
Mathieu Vidard : André Delpuech, revenons sur les menaces qui pèsent sur les différents patrimoines archéologiques mondiaux. C'est une question d'internaute : "Quelle est, en ce moment la plus grande menace qui pèse sur ce patrimoine mondial, sur ces conflits civils en Afrique par exemple?"
André Delpuech : Alors, c'est vrai que on a évoqué tout à l'heure l'érosion naturelle, on a évoqué les aménagements urbains et autres... Alors, c'est vrai aussi que on voit beaucoup de dégâts sur les sites archéologiques et dans les musés eux-mêmes, lors d'un certain nombre de conflits,[...] Mais, pour l'archéologie, un des problèmes majeurs, c'est que on va voler des choses peut-être dans les musées, mais on va surtout les piller dans les sites eux-même. Bon, déjà ça va être une première mort des objets parce qu'on va les sortir de leur contexte. Un objet, sorti de son contexte archéologique, et des liens d'informations qu'il y a autour de lui, c'est un petit peu comme si on prenait un manuscrit médiéval et qu'on découpait les images qu'il y a dedans et qu'on jette le reste. Donc l'objet a une valeur intrinsèque, c'est sûr, une valeur muséographique, sans aucun doute, mais on a déjà perdu un premier lien. Et puis ensuite ça part dans des trafics clandestins qui sont un véritable fléau. On a des sites entiers, comme ça, qui sont détruits, et d'ailleurs cette situation vaut aussi pour l'Europe, on pourrait citer, en France, les problèmes qu'on peut avoir avec les détecteurs de métaux, et certains autres pillages de sites, qui alimentent, soit des passionnés, qui font ça et croient bien ouvrer pour leur propre collection, soit de manière nettement plus illégales et scandaleuses pour du trafic et du commerce.

1:05:19
Mathieu Vidard : Question d'internaute : Jean demande "Est-ce que les propositions faites par le CNRA au sujet du pillage archéologique à l'aide de détecteurs de métaux sera un jour appliqué ?". Un mot d'abord quand même, précisez-nous ce qui se passe avec les détecteurs de métaux, vous l'avez évoqué très rapidement tout à l'heure, quel est le problème exact ?
Marc Drouet : Bon alors, c'est un sujet très grave, c'est un sujet important. Moi, je tiens à dire que je considère que les Utilisateurs de Détecteurs de Métaux, pour l’essentiel, sont d'abord des passionnés d'archéologie. Des passionnés d'archéologie qui sont mal informés. Voilà, donc on a un énorme travail d'information, de pédagogie en direction de ces gens. Je rencontre des représentants de leurs associations pour leur dire "Vous êtes passionnés d'archéologie donc nous devons pouvoir nous entendre. Mais écoutez aussi ce message qui consiste à dire que l'archéologie c'est un métier, l'archéologie c'est une affaire de professionnels. Ce sont des chercheurs, avec des techniques, avec des formations très pointues. On ne peut pas s'improviser archéologue comme on s'improvisait au 18ème siècle ou au 19ème siècle. Aujourd'hui c'est une démarche scientifique. " Alors l'ambiguïté c'est que certains vendent ces matériels de détection de métaux en oubliant ce petit message pédagogique et ça on essaye aussi de le leur rappeler. C'est une infraction, c'est très grave ! Francesco Bandarin, qui est le vice-président de l'Unesco, a eu l'occasion de le rappeler avec beaucoup de gravité, beaucoup de fermeté, c'est une menace. Lui a employé les termes en disant "le patrimoine archéologique est une espèce menacée". Oui elle est menacée parce que si, comme on l'a dit à différentes reprises, on sort l'objet de son contexte, il n'a plus cette qualité intrinsèque qui fait tout son intérêt, cette qualité scientifique. Alors, on essaye de faire beaucoup de pédagogie, on essaye de communiquer. Nous sommes entendus par l'essentiel de ces personnes, on continue le travail. Il y a également un volet "sanction" pour ceux qui, voilà, ne comprennent pas, ou pour ceux qui poursuivent aussi des intérêts qui sont ont l'a dit ne sont pas des intérêts purement scientifiques, mais purement mercantiles et qui volent ce bien public pour le revendre ensuite dans des circuits parallèles. Donc ça c'est très grave !


Mention légale : 
Article L.542-1 du Code du patrimoine : « Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d’objets métalliques, à l’effet de recherches de monuments et d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche. »