Rien n'est moins raisonnable que de vouloir que les enfants le soient. (Madame de Maintenon)

"Des pilleurs à l'archéo-colo"

Vient de paraître 
    - Titre : "Des pilleurs à l'archéo-colo".
    - Auteur : Corinne Ferrand-Moulin.
    - Illustrations : Véronique Gandolfo.
    - Editeur : Plumes d'Ardèche.
    - Âge : à partir de 9 ans.
    - ISBN : 978-2-9151-9502-6.
    - Prix : 7,90 €.
    - Disponible : Librairie Vedel, 07260, Joyeuse.
    - Site web : http://corinne-ferrand-moulin.faaroo.com/site/easyweb/%20Accueil_824.html.


L'auteur :
Corinne Ferrand-Moulin est bibliothéquaire et romancière. Fille de Maurice Ferrand, détecteuriste repenti, archéologue à la retraite, membre de l'association anti-UDM et inventeur d'un brouilleur de détecteurs, elle a depuis toujours été, comme les enfants du roman, intéressée par l'archéologie et les chantiers de fouilles.

La genèse :
Au cours d'un festival de l'archéologie elle a assisté à une conférence de G. Compagnon sur le pillage des sites archéologiques. Le sujet l'a interpelée et elle a pensé qu'il serait opportun de sensibiliser les jeunes à l'archéologie, au respect du patrimoine, et à la fragilité de ce dernier, au travers d'un roman adapté à leur âge. L'idée est bonne, même excellente, mais pourquoi n'écouter qu'un son de cloche et ne pas s'informer également du point de vue des détecteuristes ?

L'histoire :
Le roman ne fait que 100 pages de petit format, le résumer reviendrait vite à raconter toute l'histoire ce qui ne serait pas honnête vis à vis de l'auteur. Disons tout de même que l'histoire se passe sur le chantier de fouilles d'Alba la Romaine, dans l'Ardèche, où des enfants d'une dizaine d'années (une classe de CM2) participent à une colonie de vacances orientée "découverte de l'archéologie" et que cette belle expérience sera entachée par la présence intrusive de pilleurs de sites. Même s'il y a sûrement peu d'enfants qui consultent "Détect +", nous n'en dirons pas plus pour ménager le suspense.

Le fond :
Sur le fond, il n'y a pas grand chose à redire. L'histoire n'étant qu'une fiction dans le style des romans d'aventure pour enfants de la "bibliothèque verte" dans les années 60, elle peut se permettre d'être invraisemblable pour des adultes. De plus, tels qu'ils sont décrits, les "pilleurs" en sont bien puisqu'ils viennent, de nuit, sur un chantier en cours de fouille, voler des objets archéologique. Rien à dire donc de ce côté là.

La forme :
Sur la forme, par contre, il y a matière à discuter.
Tout d'abord il y a les clichés caricaturaux :
- Les "pilleurs", bien évidemment équipés d'un détecteur de métaux, sont des hommes (Joseph, Phil et Nils). Ils utilisent un gros 4x4 "genre safari" (page 7), ils fument, boivent du vin et sirotent de la bière et l'un a même "les bras couverts de tatouages" (page 69). Ils sont, bien entendu très violents : "Mon père m'a raconté qu'un de ses copains s'était fait assommer par un pilleur qu'il avait surpris dans une nécropole" (page 8).
- Par contre l'archéologue est une femme, "frêle silhouette en short, les cheveux noués en queue de cheval sous une casquette blanche" (page 6), avec un joli prénom de fleur, Violette. Elle conduit une 2CV verte, sa "grenouille", avec des yeux peints sur les ailes. Et elle est la maman d'une petite fille adorable, Milena, "Jolie fille au teint mat, le regard inondé de bleu" et qui "avait ensorcelé tous les garçons dès le premier jour..." (page 14).
Les enfants n'auront ainsi aucun mal à choisir leur camp dès les premières pages.
Et puis on y retrouve, en filigrane, les sempiternels messages de l'association anti-UDM :

- attaque directe contre les détecteurs de métaux et leurs utilisateurs : "Quelle saleté ces engins, Çà devrait être réservé aux professionnels ! Quel dégâts ces bougres peuvent faire avec leurs poêles à frire !" (page 41)
- attaque contre les forces de l'ordre qui ne feraient pas bien leur travail : "Je sais que pour eux, ce délit n'a pas la même importance que d'autres vols. Certains ignorent la loi qui protège les sites archéologiques. ! Il faut constamment le leur rappeler. Ah, ces gendarmes, ils préfèrent un bon cambriolage !" (page 46). "Les gendarmes m'ont dit qu'ils essaieraient de passer dans la soirée, mais qu'ils n'ont pas que ça à faire, qu'ils peuvent être amenés à intervenir ailleurs, le bla-bla habituel..." (page 58). "Tu crois pas que les gendarmes vont passer la nuit à ça !" (page 59).
Rien de nouveau sous le soleil ardéchois !

Les bonus :
Comme c'est souvent le cas sur les DVD, mais plus rarement dans les livres, on trouve après la partie roman proprement dit, deux chapitres "bonus" :
- 1°) Guide de l'apprenti archéologue :
Pour le cas où les enfants n'auraient pas tout bien compris, G. Compagnon vient, en quelques pages, en remettre une couche à la sauce de l'association anti-UDM. Genre "Les belles histoires de l'oncle Paul" parues jusqu'en 1980 dans le journal de Spirou. Après avoir dépeint une vision idéale de l'archéologie, en insistant sur son côté scientifique, il glisse au milieu de la conversation son mensonge préféré : "L'utilisation d'un détecteur de métaux sans autorisation de l'État est punie de 7 500 euros d'amende (Code du Patrimoine)" (page 116). Mensonge par omission, car comme toujours il oublie de mentionner la précision "à l'effet de recherches de monuments et d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie", qui fait pourtant partie intégrante de l'article du Code du Patrimoine, et qui fait toute la différence. C'est le cadet de ses soucis, le message qu'il veut faire passer est clair : "Mes enfants, si vous voyez quelqu'un se promener avec un détecteur, c'est un méchant !". C'est clair, mais c'est faux !
- 2°) Le chantier de fouilles d'Alba-la-Romaine :
Dans ce 2ème bonus nettement plus sérieux, dû à deux archéologues, Joëlle Dupraz et Chistel Fraisse, on découvre la passionnante histoire d'Alba la Romaine et un historique intéressant des fouilles réalisées sur le site qui montre de façon claire l'évolution de l'archéologie. "Le site d'Alba a été le témoin, au fil des décennies (1960 à 2001), de l'évolution de l'archéologie.", "Progressivement nous sommes passés d'une archéologie bénévole dans les années 1960, avec quelques rares incursions professionnelles, à une archéologie professionnelle dès 1983, pilotée par le ministère de la Culture", "Pourtant, jusqu'en 2001, date à laquelle les grands chantiers de fouilles se sont arrêtés, l'archéologie professionnelle n'a pu se passer des bénévoles. Ce sont ainsi plus d'un millier de personnes qui ont participé aux chantiers archéologiques d'Alba entre 1983 et 2001" (page 130). A écouter ces archéologues évoquer la convivialité qui régnait sur ces chantiers, il nous a semblé percevoir un fond de nostalgie dans ces souvenirs d'une époque, hélas révolue, ou les archéologues avaient encore une certaine confiance envers les autres humains.
Bien entendu, ce chapitre se termine par l'évocation des pillages dont a été l'objet le site d'Alba puisque c'est, ne l'oublions pas, le but du livre, mais l'archéologue reconnaît :"Nous avons aussi misé sur les vertus du rapprochement, et avons réussi à convertir à l'archéologie légale des adeptes de la prospection aux détecteurs de métaux puisque nous en avons accueilli sur nos chantiers comme bénévoles" * (page 141). Les "vertus du rapprochement", une expression que l'association anti-UDM ne semble, elle, pas connaître...
(*) Le gamin de 9 ans qui comprend cette phrase mérite un séjour gratuit à l'archéo-colo !

Conclusion :
Que pouvait-on attendre, nous, détecteuristes, d'un livre écrit par la fille d'un membre virulent de l'association anti-UDM, livre inspiré par une conférence du fondateur de cette association, contenant un chapitre écrit par le même membre fondateur et dont leur site fait la promotion ? Malheureusement, sauf à croire aux miracles, rien d'autre !

Nota bene : 
À Alba la Romaine, la présence sur un site archéologique et l'interdiction d'utiliser d'utiliser les détecteurs de métaux sont clairement signalés ! Des pilleurs surpris sur ce site n'auraient, à nos yeux, aucune excuse !

Mention légale : 
Article L.542-1 du Code du patrimoine : « Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d’objets métalliques, à l’effet de recherches de monuments et d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche. »