On n'est jamais si bien servi que par soi-même. (Proverbe)

Un interview imaginaire : La détection électromagnétique, le hobby et ses détracteurs.

(Oui, c'est malheureusement nous qui faisons les questions et les réponses..)


Qu'est-ce exactement que la détection ? 
La détection de métaux est tout d'abord un passe-temps d'extérieur, de nature, comme la marche, la randonée, ou le camping. Mais, comme pour d'autres loisisrs comme la pêche, la chasse, ou la cueillette des champignons, cet amour de la nature s'accompagne du plaisir de la "récolte". Tout comme le pécheur, le chasseur ou le cueilleur, le détecteuriste qui rentre "bredouille" sait se contenter du simple plaisir de sa "sortie". Mais ce plaisir est décuplé quand il lui arrive de rentrer avec une ou quelques découvertes, mêmes modestes, en poche.
Bien évidement, ces "découvertes" ne sont souvent que quelques objets métalliques rouillés, parfois des monnaies, souvent récentes, ou des objets qui sans être vieux, n'en sont pas moins les témoins de ce que l'on appelera la "petite" histoire. Je pense, par exemple, aux médailles pieuses ou aux dés à coudres, perdus par les bergères qui cousaient en gardant leurs moutons.
Malheureusement, tout le plaisir que l'on pourrait avoir, en France, à pratiquer ce loisir, est gâché par un petit nombre de personnes qui mènent une guerre personnelle à tous les détecteuristes, et veulent même, au bout du compte, faire purement et simplement interdire la vente et l'utilisation des détecteurs de métaux.
Et comme "Qui veut tuer son chien, l’accuse de la rage", ils présentent les détecteuristes comme des pillards hors la loi, comme les Attila du patrimoine archéologique !
Ce qu'il faut savoir avant tout, c'est que la détection n'est pas un loisir que l'on peut exercer sans contraintes. Les détecteurs de métaux sont en vente libre mais leur utilisation est réglementée.

Que dit la loi exactement ? 
La loi est claire.... mais floue !
La loi 89-900 du 18 Décembre 1989 a été reprise dans l'article Article L542-1 du Code du Patrimoine :
Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d'objets métalliques, à l'effet de recherches de monuments et d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche."
Ce que cette loi exprime clairement c'est qu'à l'exception de la recherche d'"objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie", la détection est autorisée sans restriction (sauf, bien évidement, celle d'avoir l'autorisation du propriétaire du terrain). Et que, dans le cas où l'on désire effectivement faire des recherches d'objets historiques, il faut obtenir une autorisation administrative.
Cette distinction divise la détection en deux catégories :
- Une détection "de loisir" sans intentions historiques (recherche d'objets récents, de monnaies sur les plages, rallyes organisés, etc.).
- Une détection "de recherche", utile à la préservation du patrimoine, pratiquée avec autorisation administrative, et avec déclaration des éventuelles trouvailles.

Mais alors, où est le problème ? 
Le problème est double:
- 1°) Il est pratiquement impossible d'obtenir les fameuses "autorisations administratives".
- 2°) Il est très délicat de définir quels sont les objets "pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie". Pour nos détracteurs, tout objet, du moment où il est tant soit peu enterré dans le sol, en fait partie.
 
Dans ces conditions, la loi reviendrait à dire "Vous n'avez le droit de rien rechercher sans autorisation, et comme on ne vous en donnera pas, l'utilisation de votre détecteur est interdite."
Une interprétation pour le moins simpliste, non ?

Mais pourquoi cet animosité ? 
Pour une raison bien simple, et que personne ne peut nier : Le pillage !
Très souvent, trop souvent, des sites archéologiques sont pillés, souvent de nuit, par des pillards qui utilisent pour cela, bien évidemment, des détecteurs de métaux.
L'archéologie est une science qui a pour but la préservation du patrimoine. C'est un travail minutieux, de longue haleine, qui ne révèle ses secrets qu'après de longues heures de travail soumises aux aléas des intempéries.
Tout le monde comprendra la colère qui peut animer ces archéologues de terrain, quand, à leur retour sur le lieux des fouilles, ils trouvent leurs travail détruit par des personnes dont seul, l'appât du gain à motivé d'irrémédiables dégradations.

Alors, les détracteurs ont raison ? 
Ben..., oui,..... et non !
Oui, ils ont raison de vouloir faire cesser ce pillage illégal et répréhensible.
Non, ils n'ont pas raison de généraliser, et de jeter l'opprobre sur l'ensemble des détecteuristes !
Leur combat est légitime, mais ils se trompent de cible !
S'il y a chez les détecteuristes, comme partout, des brebis galeuses il y a aussi des détecteuristes responsables qu'il est totalement injuste d'assimiler à des pillards.

C'est quoi, exactement, la "détection responsable" ? 
Pratiquer la détection responsable c'est déjà obéir à plusieurs règles :
- 1°) Ne prospecter QUE des terrains avec l'autorisation du propriétaire.
- 2°) S'astreindre à quelques "actions civiques" de base : reboucher soigneusement les trous, ne pas laisser sur place tous les détritus sortis du sol, respecter les cultures, etc.
- 3°) Respecter la loi citée précédemment, et donc, si l'on a l'intention de rechercher les "objets pouvant intéresser...", tenter de demander une autorisation au SRA de sa région.
- 4°) Si, lors d'une séance de détection, on découvre, de manière fortuite, un de ces objets, de tenter de le déclarer sans attendre au même SRA.

Malgré toutes ces précautions, la détection peut nuire à l'archéologie, non ? 
Sans doute, mais de façon très minime. Sûrement moins que ce que l'on a pu nous reprocher ici et là.
Le plus gros reproche que font les archéologues aux détecteuristes est de sortir les objets de leur contexte. Tous ceux qui ont, de près ou de loin, participé ou assisté à des fouilles archéologiques, savent que la position de l'objet dans la stratigraphie du terrain étudié est primordiale. Beaucoup plus importante que la valeur de l'objet lui même.
Mais la grande majorité des détecteuristes exercent leur passe-temps dans des labours, ou dans des terres qui ont été maintes fois remuées au cours des siècles. Et la puissance de leurs appareils les limitent généralement aux 30 premiers centimètres de profondeur. Donc la partie des terrains qui a été la plus bouleversée par l'agriculture. Difficile dans ce cas, d'évoquer la stratigraphie comme argument contre la détection.
Deuxième point à considérer : les archéologues, n'ayant pas le temps et les effectifs pour étudier toute la France, travaillent principalement sur ce que l'on appelle des "sites archéologiques", c'est à dire une certaine concentration de vestiges : emplacement d'une villa romaine, d'un oppidum, d'une nécropole. Bref, des sites méritant un travail approfondi, des relevés précis, des prises de croquis et la rédaction de rapports de fouilles complets. Le travail de toute une équipe pendant de longs mois, voire des années.
Les détecteuristes, eux, fréquentent de grandes surfaces de terre, ne contenant que peu d'objets. Un détectoriste "lambda" ne revient généralement d'une demi-journée de détection, qu'avec quelques pièces de monnaies ou d'objets de toute sorte, et ceci malgré une surface parcourue de plusieurs hectares.
Le champ d'action des archéologues est principalement constitué de petites surfaces avec une concentration de vestiges, celui des détecteuristes se compose plutôt de très grandes surfaces avec une répartition des trouvailles très disséminée. Nous n'opérons pas sur les mêmes emplacements !
Dans ces conditions, quand elle est pratiquée avec un bon esprit, la détection nuira beaucoup moins à l'archéologie que ce qu'elle pourra lui apporter.

Ha ? Que peut apporter la détection à l'archéologie ? 
Comme je viens de l'expliquer, nous n'opérons pas sur les mêmes emplacements, nos actions pourraient donc être complémentaires !
L'archéologie se livre, de nos jours, à une véritable course contre la montre :
"En France, à chaque seconde qui passe, 20 m2 de notre sol sont retournés par les lames des pelleteuses et des bulldozers – la surface d’un terrain de football toutes les 4 minutes. Au total, ce sont donc environ 70.000 hectares, ou 700 km2, qui sont creusés chaque année", C'est le constat que fait Jean-Paul Demoule, ancien président de l’Inrap. Il ajoute encore : "De même, les archéologues n’interviennent que sur une petite partie des surfaces aménagées chaque année : sur les 70 000 hectares annuels que nous mentionnions en introduction, moins d’un sixième font l’objet de diagnostics afin d’y repérer l’existence éventuelle de sites archéologiques....", "...des sites sont détruits quotidiennement parce qu’il n’y a pas assez d’archéologues pour surveiller les aménagements, et même pour fouiller...".
Pensez-vous, dans ces conditions, qu'il serait envisageable de réquisitionner une douzaine d'archéologues, de les mettre sur un terrain labouré de 10 hectares, et de leur dire "tenez, il y a peut-être une dizaine de monnaies anciennes enfouies dans ce terrain, trouvez-les !" ? Non, bien sûr. Hé bien c'est ce que se proposent de faire les détecteuristes responsables. Et gratuitement.
Et pour peu qu'on leur fasse un tantinet confiance, beaucoup sont prêts à se noter l'emplacement précis de leur découvertes, et d'en établir des fiches à l'intention des personnes compétentes. D'ailleurs, beaucoup le font déjà en attendant des jours meilleurs.
De plus, il n'y a pas que l'archéologie dans la vie. Les apports des UDM à la numismatique, qui est aussi une science importante pour la connaissance du passé, ne se comptent pas.
Nos détracteurs annoncent 520.000 objets pillés par an par les détecteuristes français. Imaginez, si ce chiffre est vrai, ce que pourraient apporter 520.000 déclarations annuelles d'objets, à la connaissance de notre passé !

Et ça n'interesse pas les instances archéologiques ? 
Je l'ai déjà dit, les archéologues considèrent qu'un objet "sorti de son contexte" n'a plus d'intérêt.
Mais dans les labours, le contexte "vertical", c'est à dire en profondeur (la stratigraphie), est déjà perdu. Les détecteuristes, de par leur relevés, pourraient tout de même préserver le contexte "horizontal".
Quand on leur propose, de les aider à "sortir" des objets du sol, les archéologues nous opposent un raisonement qui paraît tout à fait valable, et qui dit grosso-modo que les techniques de fouilles, tout en étant aujourd'hui bien supérieures à celles des siècles derniers, se seront certainement encore améliorées dans les siècles à venir. Et que, dans ces conditions, un objet qui reste dans la terre est en quelque sorte "préservé" d'un traitement mal approprié. C'est pour cette raison qu'ils se consacrent principalement à la fouille de sites "menacés" dans un avenir proche.
C'est compter sans deux facteurs importants :
-  1°) L'action des produits chimiques et des machines agricoles : l'utilisation intensive d'engrais, de pesticides, d'insecticides, et d'autres produits chimiques, ainsi que des grosses machines agricoles ne date que de peu d'années.
Ces produits attaquent les objets métalliques avec une grande rapidité, et une piéce romaine enfouie dans un labour, s'est certainement plus dégradée au cours de ces 50 dernières années, que pendant les 2000 années précédentes.
Il suffit pour s'en convaincre de voir les ravages causés par les produits chimiques à cette monnaie anglaise (image de gauche), en moins de 20 ans !!! Et sur l'image de droite, on voit l'action des lames des engins de labours qui pulvérisent littéralement les petits modules fins et fragiles.
  
- 2°) L'expansion de l'habitat : L'archéologie préventive fait un travail de sauvetage remarquable lors des grands travaux d'aménagement, (autoroutes, construction d'immeubles, parkings souterrains, etc..), mais n'a pas les moyens d'intervenir sur les petits chantiers qui se développent autour de nos villes et villages. Ce sont pourtant plus de 200.000 permis de construire de maisons individuelles qui sont délivrés chaque année. Tout ce qui peut se trouver enfoui dans les terrains supportant ces constructions est irrémédiablement perdu.
Pire, parfois la terre remuée sur ces chantiers, est retirée, transportée et reversée à plusieurs kilomètres de distance.
On le voit, les objets se trouvant dans la terre aujourd'hui, ne sont pas si "à l'abri" que ça, et si un détecteuristes les avait trouvés, ramassés et répertoriés, ils auraient plus été "sauvés" que "pillés.

Mais alors, pourquoi les archéologues et les détecteuristes n'arrivent-ils pas à s'entendre ? 
Le bonne question serait plutôt, "Pourquoi certains archéologues et certains détecteuristes font-ils que l'on n'arrive pas à une entente ?"
Parce que, comme souvent dans les situations conflictuelles, les problèmes viennent des extrêmes.
- Certains détecteuristes se conduisent en "pillards", ne respectant pas les règles de "détection responsable" exposées plus haut. Ils donnent une très mauvaise image de la détection en laissant croire que quiconque à un détecteur de métaux à la main, va automatiquement se livrer à un pillage répréhensible.
- A l'autre extrême, nos détracteurs ne veulent pas admettre qu'il puisse y avoir des "détectoriste responsables". Leur réponse s'apparente à celle du légat Arnaud Amaury au siège de Béziers : "Tuez-les tous, dieu reconnaîtra les siens". C'est une image, bien évidemment !

Donc une collaboration n'est pas envisageable ? 
Ca dépend. Il faut changer certaines mentalités.
En janvier 2009, une étude sur le pillage archéologique a été réalisée au Royaume-Uni par "l'Oxford Archaeology", à la demande de "l'English Heritage". On ne peut pas considérer ces deux institutions comme "fantaisistes", n'est-ce-pas ? Hé bien, le long rapport, qui en est résulté fait des révélations intéressantes...
Voici quelques extraits du document de synthèse de ce rapport :
(Note : Traduction personnelle. Le terme "Nighthawk" (oiseau de nuit) est utilisé par les anglos saxons pour désigner les pillards qui opèrent principalement de nuit. Je le traduirais simplement "Nighthawk" et "Nighthawking" par les termes "Pilleurs" et "Pillage")
Introduction :
"Le pillage est le vol par quelques uns du patrimoine de tous.
Le pillage est la recherche illégale et l'enlèvement d'antiquités dans le sol en utilisant un détecteur de métaux, sans l'autorisation du propriétaire, ou sur des sites interdits et protégés.
Le pillage est par conséquent du vol.
Les pillards ne doivent pas être confondus avec les détecteuristes responsables. Il est clair que beaucoup de détecteuristes suivent des règles de bonne conduite, enregistrent et/ou déclarent leurs trouvailles, supportent le "Treasure Act", et sont des contributeurs de valeur à la compréhension de l'archéologie."
Recommandation 4 :
"Faire connaître les effets positifs de la détection responsable et l'effet négatif du pillage".
"Cette enquête a aussi noté que la détection responsable a été utilisée comme un moyen efficace pour eloigner les pillards des sites archéologiques".
Recommandation 6 :
"Les avantages de faire travailler les détecteuristes et les archéologues ensemble, peuvent être spectaculaires"

Ca veut dire qu'il y a de l'espoir ? 
Dans les conclusions du rapport ci-dessus, au chapitre 10.1.13 (page 106), il est dit "Des limitations de ce passe-temps qu'est la détection seraient contre-productives."
On ne peut pas dire mieux les choses.
Toute assimilation de la détection de loisir à du pillage, et toutes restrictions qui seraient imposées à ce loisir, risqueraient de pousser tous les détecteuristes responsables à se cacher pour l'exercer. A "prendre le maquis" en quelque sorte. Et s'il devient aussi risqué, pénalement parlant, de chercher une monnaie du XIXème siècle dans un champ labouré que de piller un site archéologique en cours de fouille, que risque-t'il de sa passer ?
Il y a de très nombreux exemples qui montrent ce que peuvent apporter les détecteuristes à la connaissance historique de leur pays.
En janvier 2009, sur l'Île de Mann, un détectoriste, responsable du club de détection local, a reçu un "cultural award" (prix culturel) decerné chaque année à "une personne qui est considéré comme ayant apporté une contribution exceptionnelle à la conservation et à la meilleure connaissance de la culture Manx"
Il y a aussi, en France, de tels exemples de collaboration réussie entre détecteuristes et archéologues. Malheureusement ils ne reçoivent pas la même publicité positive qu'au Royaume-Uni.

En conclusion ?
Ma conclusion sera simple :
Ce n'est pas parce qu'il y a des pillards qui utilisent des détecteurs de métaux que tous les détecteuristes doivent être considérés comme des pillards.
Les rapports avec les archéologues, les SRA et les DRAC's doivent être facilités.
Les découvertes faites par les détecteuristes, qu'elles soient volontaires ou fortuites doivent pouvoir être déclarées librement.
Bref, que les détecteuristes responsables soient reconnus, comme l'indiquent les rapports ci dessus, en tant que contributeurs efficaces à la connaissance du patrimoine de notre pays, et d'éléments essentiels dans la lutte contre le véritable pillage.


Mention légale : 
Article L.542-1 du Code du patrimoine : « Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d’objets métalliques, à l’effet de recherches de monuments et d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche. »