Monsieur le Ministre,
La volonté manifestée par la Direction de l’Architecture et du Patrimoine de privilégier le dogmatisme au détriment du pragmatisme le plus élémentaire peut avoir des conséquences graves et bientôt irréversibles, tant sur les rapports des archéologues amateurs et professionnels sur le terrain que sur une frange importante du patrimoine mobilier.
C’est pourquoi notre Fédération nationale (F.N.U.D.E.M.) qui, depuis le 18 septembre 2009, regroupe et représente la quasi-totalité des Associations régionales et locales et donc des milliers de prospecteurs- détectoristes, estime devoir évoquer auprès de vous une situation qui découle certes d’un dispositif légal obsolète, mais surtout de l’usage qui en est fait.
L’on sait comment, au cours des trois dernières décennies, l’archéologie bénévole, à laquelle on devait tant, fut délibérément éliminée tant par le quasi- monopole d’un établissement public,( I.N.R.A.P. depuis 2001) chargé des fouilles préventives, que par la raréfaction, pour ne pas dire l’interruption des fouilles programmées.
En toute logique, les associations et sociétés savantes, aux avant- postes de la Culture, mais qui ne pouvaient plus jouer aucun rôle dans la recherche, s’effacèrent.
Nombre d’amateurs déçus et d’archéologues bénévoles délaissés s’adonnèrent à la prospection de surface et utilisèrent, entre autres moyens, des détecteurs de métaux venus sur le marché dans les années 1970. Afin de prévenir d’éventuels risques d’abus, une Loi d’exception ( loi 89-100 devenue l’art. L 542-1 du Code du Patrimoine) vint non pas règlementer, mais prohiber cette activité sans réelle concertation avec les milieux intéressés.
Ce texte, maladroit, imprécis, par essence répressif et inadapté à notre époque, ménageait implicitement une « détection de loisirs » évoquée dans les travaux préparatoires et prévoyait explicitement une procédure d’autorisations qui donna, dans plusieurs régions, d’assez bons résultats jusqu’aux années 2000.
Sous la pression des milieux les plus intégristes de l’archéologie administrative, cette seule exception à la loi d’exclusion cessa soudain d’être respectée par les autorité régionales, tandis que la « prospection de loisirs » est désormais qualifiée « d’inconsistance juridique » par une lettre du 20 juillet 2009 émanant de vos services et reproduite à l’identique dans plusieurs réponses ministérielles figurant au J.O. ( en particulier, J.O. du 25 Août 2009 p. 8233).
C’est ainsi que des milliers de prospecteurs peuvent être rejetés dans une illégalité voulue et amplifiée par certains « lobbys » alors que les résultats désastreux d’une loi injuste dans son principe même , en pratique inapplicable et en tous cas préjudiciable à la Communauté scientifique, sont depuis longtemps évidents.
En effet, contrairement aux propos tenus par certains médias qui pratiquent un honteux amalgame entre une faible minorité de gens indélicats et l’immense majorité des prospecteurs bénévoles, les constats sur le terrain et le considérable matériel archéologique ramassé en surface ne sont pas perdus : nombre d’amateurs parfois érudits et d’inventeurs conservent- pour un temps encore- ces données précieuses, en espérant pouvoir un jour en faire état auprès de spécialistes responsables et bienveillants, et si possible de les publier.
Or, il apparait que cette documentation irremplaçable, accumulée depuis trois décennies, est en quelque sorte frappée d’interdit, « d’inconsistance » voire d’inexistence par certains milieux éloignés du terrain et cela, en dépit des efforts conjugués d’archéologues et d’étudiants qui n’hésitent pas à s’y référer, malgré d’inadmissibles pressions dont ils sont l’objet dans certaines régions.
Monsieur le Ministre, le récent Directeur de la Villa Médicis sait trop bien que l’ombre de Savonarole sera toujours menaçante et que la tentation d’envoyer au bûcher de prétendus « objets d’ impiété » est toujours récurrente…
Affirmer par exemple, en l’absence de dispositions légales, qu’une trouvaille de surface cesse d’être fortuite sitôt qu’il est fait usage d’un détecteur de métaux, aboutit à dispenser son inventeur et le propriétaire du sol de la déclaration obligatoire et fort justifiée prévue par l’art. L. 531-14 du Code du Patrimoine puisque ce texte impératif ne dispose que pour les « découvertes fortuites » ( Titre de la section III) !
L’absurdité de cette situation et l’inadéquation du régime actuel ont conduit notre Fédération à solliciter un entretien avec vos services, pour entamer enfin un débat au fond.
Aucune réponse n’a été donnée à notre requête légitime et pour le moins démocratique.
C’est pourquoi nous vous prions, en dernier recours, Monsieur le Ministre, de prendre connaissance du dossier ci-joint destiné à vous offrir une vision plus objective d’un sérieux problème, mal connu et déformé au fil des ans et qui risque de devenir passionnel au grand dam des archéologues de bonne volonté, professionnels ou non.
Nous sommes au demeurant très persuadés que la recherche archéologique en France a plus que jamais besoin de rassembler toutes ses forces disponibles et en particulier celles d’un monde bénévole qui désire être reconnu et ne demanderait qu’à participer à l’effort commun.
Nous gardons espoir, Monsieur le Ministre, d’être enfin reçus et entendus par vous-même et vous prions d’agréer, en cette attente, l’expression de notre haute considération.