Toute avancée des connaissances génére autant d'interrogations qu'elle apporte de réponses. (Pierre Joliot)

Nous relayons ici, un texte rédigé par la F.E.P. (Fédération Européenne des Prospecteurs) en réponse au rapport du C.N.R.A.

Détect + n'a pas participé à la rédaction de ce document, mais nous sommes en accord total avec son contenu !


RÉPONSE AU RAPPORT DU C.N.R.A. 
Sous le titre « Autisme administratif », nous avons déjà réalisé une première approche d’un « rapport » rédigé par un « groupe de réflexion » formé d’auteurs anonymes issus du C.N.R.A. au sein du M.C.C. ( Ministère de la Culture et de la Communication) .
Le C.N.R.A. est un organe consultatif, très secret, constitué pour une grande part de fonctionnaires « aux ordres » , adepte de la procédure inquisitoire et qui reflète en l’occurrence les thèses et foucades d’une association privée dite H.A.P.P.A.H. bien connue des milieux les plus intégristes de l’archéologie administrative .
Ce rapport d’essence totalitaire est à tous égards consternant par son sectarisme et par son refus d’admettre la réalité de faits incontournables, sans rechercher des solutions appropriées et un tant soit peu originales.
Au prétexte d’un fait-divers incertain, le C.N.R.A. pratique l’habituel amalgame entre quelques braconniers de l’archéologie et l’immense majorité des prospecteurs U.D.M. qui ne demandent qu’à œuvrer utilement et bénévolement comme naguère, en accord avec les autorités.
Aussi bien le prétendu « pillage » reproché aux U.D.M. n’est-il qu’un faux-semblant destiné à masquer l’effarante inflation des saccages, des destructions délibérées et dégradations de sites archéologiques et de monuments historiques, qui affectent jour après jour le patrimoine national sans que les organismes responsables ne veuillent ou ne puissent s’y opposer utilement.
En bref, la solution finale retenue par le C.N.R.A. est une déclaration de guerre sans nuances à des milliers de prospecteurs plus ou moins U.D.M. et rejetés volontairement dans l’illégalité. Sans réflexion sérieuse sur les conséquences de l’impasse actuelle due au démantèlement de l’archéologie bénévole, sans concertation réelle avec les intéressés, sans aucun débat contradictoire, sans même se livrer à l’examen d’une troisième voie souhaitée par de nombreux chercheurs, le C.N.R.A. condamne en bloc toute activité prospective des U.D.M. et critique avec désinvolture, au mépris de résultats très positifs, les régimes européens plus libéraux comme le système britannique.
Selon le « Politburo » du Ministère, les U.D.M. ont « inventé » la « prospection de loisir» : il s’agit là d’une contre-vérité , puisque ce dernier espace de liberté était prévu dans les travaux préparatoires de la loi de déc. 1989 ( art L. 542-7 et 2 du code du patrimoine) et confirmé par deux ministres de la Culture dans des réponses au J.O. Seuls sont cités les rapports de la secte intégriste, jamais ceux considérés comme politiquement incorrects des Associations de Prospecteurs.
En outre, le C.N.R.A. se garde bien de faire la moindre allusion aux avancées scientifiques ni aux résultats positifs, pourtant indéniables dus aux prospections de surface : tout ce qui ne ressortit pas d'une certaine archéologie officielle constituerait une « archéologie grise » sans intérêt et même sans existence scientifique. À la limite, toutes les données officieuses pourraient être détruites sans que personne ne s’en souciât.
Une telle vision, en raison même de son outrance et de son absurdité est sans valeur, tout autant que les « propositions » dont elle est assortie.
I- Les propositions du C.N.R.A.
1- Enregistrement des détecteurs de métaux.
L’administration voudrait créer un dispositif d’une extrême complexité, reposant sur une immatriculation obligatoire du matériel électronique utilisé sur le territoire national. Si une telle exigence peut théoriquement s’entendre pour les nouveaux appareils, elle ne saurait rétroagir (art. 2 du Code Civil) en s’appliquant aux détecteurs anciens pour lesquels aucun formulaire idoine n’a jamais été prévu… Notons qu’il s’agit d’outils par essence pacifiques et en vente libre dans les États européens, comme l’ont opportunément rappelé les instances de Bruxelles, et non d’engins offensifs dont la vente est interdite ou très réglementée.
En outre, une telle mesure serait inapplicable, donc irréaliste. On peut penser en effet que les U.D.M. ne seront pas assez naïfs pour déclarer un matériel légalement acquis, se soumettre à une nouvelle procédure administrative digne de Courteline, et figurer en fin de compte dans un fichier national comme des délinquants en puissance, tout cela dans le seul espoir d’obtenir une autorisation que les autorités n’ont pas la moindre intention d’accorder, comme cela est avéré depuis plus de dix ans… À ce propos, le C.N.R.A. s’étend avec complaisance sur l’obtention de ces autorisations, dont il entend bien aggraver encore les conditions restrictives pour ne pas dire dissuasives.
2- Champ d’application de la loi.
Le C.N.R.A. propose une nouvelle formulation de l’art. précité L. 542-1 du Code du Patrimoine dans le but avoué d’interdire explicitement la détection de loisirs, ce qui n’est à l’heure actuelle pas le cas, et de renforcer un dispositif pénal et répressif pourtant reconnu depuis 22 ans comme inopérant..
Il est plaisant de noter qu’en recevant quelques associations de prospecteurs en nov. 2010, pour se mettre « à leur écoute » ( sic…) Mr Marc Drouet ( Ss dir. de l’Archéologie) avait insisté publiquement sur l’inopportunité d’une modification législative. Il répondait ainsi, il est vrai, au souhait des associations de réfléchir à l’élaboration d’un nouveau régime mieux adapté aux besoins et aux réalités du moment…
3- Connaissance et application de la réglementation.
Le C.N.R.A. entasse ici, dans sa logique d’interdiction généralisée, toutes les mesures possibles susceptibles d’accroître sur le terrain la rigueur du dispositif pénal anti- U.D.M. En proposant d’améliorer la « sensibilisation des Parquets et des magistrats à la protection du patrimoine », le C.N.R.A. « oublie » bien sûr les innombrables atteintes itératives et délibérées au patrimoine national, dues trop souvent à l’incurie des services responsables, lesquels sont pourtant soumis, comme les particuliers, aux dispositions de l’art. 322-1 et 2 § 3 du Code Pénal.
4- Accès Internet et diffusion de données auprès du public.
S’il s’agit de sensibiliser le public, et peut-être aussi les autorités administratives à la fragilité du patrimoine archéologique, on ne peut que partager un tel souci. Mais il y a bien sûr une limite à la confidentialité des données dont disposent les S.R.A. : l’accès à ces données est libre, comme l’a rappelé le M.C.C. et les services régionaux d’archéologie administrative sont des services publics. Si un chercheur ou un étudiant s’efforce de réunir des données utiles, c’est à l’évidence pour les exploiter et les utiliser dans ses publications, thèses et travaux. Il ne fait là qu’exercer son droit élémentaire à l’information.
5- Mise en place d’une « veille juridique »
Il s’agit là d’une redondance qui ajoute au point 3- une proposition surprenante. Le C.N.R.A. envisage en effet une « restauration du réseau des correspondants des Antiquités ». Rappelons ici que naguère, au temps regretté des anciennes Directions Régionales des Antiquités historiques, ces correspondants bénévoles, chercheurs éclairés et dévoués, souvent chargés de missions telles que fouilles ou sondages de contrôle sur le terrain jouaient le rôle de trait d’union entre professionnels et amateurs et faisaient remonter toutes données utiles en vue de leur publication. Ils furent supprimés sans un mot de remerciement lors de la création des S.R.A. , car ils contrariaient bien sûr les avancées intégristes vers un monopole d’État.
Le C.N.R.A. voudrait à présent les ressusciter, non dans leurs anciennes prérogatives, mais en tant qu’indicateurs de basse police et de délateurs patentés. On peut prévoir que de tels correspondants seraient rapidement repérés, identifiés et frappés d’opprobre dans tout le monde amateur.
6- Déontologie des professionnels de l’archéologie.
Cette proposition du C.N.R.A., la plus révélatrice d’un système soviétoïde, vise à créer une « charte de déontologie » rédigée bien sûr par le milieu monopoliste, et qui serait imposée par tous moyens aux professionnels de l’archéologie. Ceux-ci ne pourraient plus « collaborer avec des personnes non autorisées par l’État » ni se référer dans leurs publications à des données considérées comme « douteuses » par l’administration.
Il s’agirait là d’une initiative illégale et contraire à l’art. 11 de la Déclaration des Droits de l’homme inscrite dans notre Constitution. Tout chercheur en effet, scientifique, historien, doit garder le libre choix de ses sources, de leur exploitation et de leur publication. Il en assume, bien entendu, la responsabilité intellectuelle. En disposer autrement serait contraire à la liberté de penser et d’expression, et partant nuisible à la recherche.
En outre, une telle mesure serait discriminatoire, puisque les auteurs et chercheurs indépendants ne seraient aucunement concernés par une « charte » qui s’imposerait à leurs seuls collègues professionnels.
Bref, un enfant comprendrait qu’un vestige archéologique peut garder une valeur intrinsèque, même s’il n’a pas été recueilli selon les normes administratives du moment. Mais pas le C.N.R.A. !
7- Déontologie des Musées.
Dans le même esprit, les Conservateurs des Musées, gens de haute culture, ne disposeraient plus d’aucune liberté d’action pour acquérir et exposer des objets importants issus du patrimoine national lequel appartient bel et bien à l’ensemble des citoyens. On ne saurait mieux faciliter ainsi l’exode illégal de tels objets vers l’étranger.
8- Autorisations de fouilles archéologiques.
Dans le cadre d’une procédure obligatoire d’autorisations de fouilles ou de sondages, bien fondée dans son principe, le C.N.R.A. précise que les services administratifs « doivent délivrer ( aux opérateurs) une autorisation de détecter ». On ne peut affirmer plus nettement l’exclusion générale des particuliers U.D.M. à toute forme de recherche sur le terrain.
9- Communiqués à la Presse et valorisation des découvertes pendant le déroulement des opérations archéologiques.
Un curieux rappel de la confidentialité qui entoure les opérations de fouilles préventives ( I.N.R.A.P. ) sert de prétexte à limiter ou brider le droit d’information par la presse de toutes les trouvailles qui pourraient être considérées comme « douteuses » par l’administration… Un tel recours à l’arbitraire serait proprement dérisoire…
10- Communications du M.C.C. sur le thème du patrimoine archéologique.
Là encore, les milieux intégristes ne visent que la détection de loisir qui n’aurait pour but « que d’alimenter un commerce d’Antiquités » et souhaitent qu’une « exposition (sic…) soit organisée sur le thème du pillage » , sans que les causes réelles et bien connues du vandalisme d’apparence légale et de la destruction de notre patrimoine soit même évoquée.
II- La recherche d’une troisième voie.
Entre laxisme débridé et dogmatisme répressif, un nouveau régime devrait être élaboré dans le respect des personnes et surtout dans l’intérêt scientifique. À cet égard, le « rapport » partisan du C.N.R.A. est un véritable repoussoir. Sa principale caractéristique, comme toujours quand on veut régler un problème de société par la prohibition assortie d’un dispositif insultant et coercitif, est d’être radicalement inapplicable.
Ce n’est pas ainsi que l’on dissuadera 15 à 20.000 prospecteurs de prospecter ( U.D.M. ou non), d’autant plus que nombre d’entre eux – de 17 à 21% dans certains départements- parcourent leurs propres terres ou celles de parents ou amis.
Qu’il soit donc permis aux représentants des prospecteurs, gens curieux, passionnés et de bonne volonté dans leur immense majorité, d’ouvrir les pistes principales qui auraient dû être suivies.
1 - Le cas des « braconniers ».
Il est inadmissible que des individus sots et cupides, peu nombreux mais résolus, parcourent des sites en cours de fouille et abîment le travail des archéologues. Agiter des moulinets textuels ne sert à rien : le meilleur moyen de les dissuader est d’installer sur ces sites des « brouilleurs » à présent au point et dont la mise en œuvre serait aisée.
2 - Le régime légal
Dans le régime actuel, qui gagnerait à être réaménagé, deux cas doivent être distingués :
a) La détection de loisir.
Il est faux d’imposer la vision réductrice d’une France entière considérée comme « site archéologique » . C’est justement la prospection des « zones blanches » où aucune occupation humaine n’a été relevée, qui peut rendre le plus de services à la recherche, soit en confirmant l’absence de vestiges signifiants, soit en découvrant les traces d’occupations encore inconnues. C’est cet espace de liberté qu’il conviendrait d’organiser en l’assortissant d’une déclaration initiale d’activité et d’un compte-rendu annuel dont les modalités sont à définir.
Il est bien certain qu’en toutes circonstances, le prospecteur ne peut agir qu’avec l’accord préalable du propriétaire du sol.
b) La détection sur des sites archéologiques.
Cette activité conduit à poser clairement la question des autorisations comme la loi les a prévues et qui avaient été accordées pendant des années , mais qui furent à de rares exceptions près, arbitrairement interrompues depuis 2001. Il convient, pour redonner vie à ce processus, de bien poser les conditions précises dans lesquelles les autorisations peuvent être consenties , de définir les droits et devoirs des personnes autorisées et de fixer le sort du matériel recueilli.
3- Rapports entre professionnels et amateurs.
C’est au prix d’une confiance retrouvée entre tous les protagonistes de l’archéologie que de bons résultats pourront être obtenus. Les U.D.M., en liaison étroite avec les archéologues de terrain, pourraient bénéficier d’un tutorat, des moyens de développer leurs connaissances et accomplir des missions spécifiques en particulier sur des sites connus ou potentiels en cours de dégradation et de destruction plus ou moins légale…
4- La déclaration des trouvailles.
L’art. L. 521-14 du code du Patrimoine avait pour objet très légitime de rendre obligatoire la déclaration des trouvailles fortuites qui doivent être en tout cas préservées. Le fait de décider qu’une trouvaille ne peut être fortuite sitôt qu’elle est faite par un U.D.M. est une erreur juridique et une faute grave dans la mesure où un tel a priori conduirait à ne plus rien déclarer, c’est à dire à frapper d’inexistence la masse considérable d’objets de surface trouvés dans les dernières décennies et encore disponibles . Il faut bien comprendre qu’un document archéologique, même s’il n’a pas été ramassé selon les normes imposées par l’autorité administrative du moment, garde son intérêt et n’a pas à pâtir, pour le scientifique, de la façon dont il a été mis au jour.
En tout état de cause, la perte de données irremplaçables ne peut être tolérée par le chercheur , scientifique ou historien, et cela dans le respect des générations futures.
5- Traitement des informations.
On est là au cœur du vrai problème dont la solution requiert de l’imagination et de l’énergie. Il s’agit de faire en sorte qu’une immense documentation puisse être mise par tous les moyens à la disposition de la communauté scientifique pour étude et le cas échéant, publication. On doit aux initiatives privées la constitution de belles bases de données en maints domaines, Des propositions ont été faites en ce sens au M.C.C., mais n’ont pas été honorées de la moindre réponse. Par exemple, on peut mettre en place sur Internet un module de saisie susceptible d’alimenter une base de données selon le modèle anglais du P.A.S.( Portable Antiquities Scheme) . En France, un système de ce type reposerait non sur les Musées, mais sur des modérateurs travaillant en ligne. Les données ainsi enregistrées seraient pour partie consultables en libre service, les données complètes n’étant accessibles qu’à des autorités compétentes. Des archéologues et chercheurs peuvent aider à réaliser de tels outils et y songent déjà. Mieux vaut y réfléchir que risquer de tout perdre, ce qui serait impardonnable.
6- La publication.
Dans le vaste domaine de l’archéologie professionnelle, le déficit chronique des publications est depuis longtemps alarmant. Des supports convenables devraient être mis à la disposition de tous ceux qui ont la capacité et le goût de porter les données dont ils disposent à la connaissance du public.
Dans le même ordre d’idées, les services éminents que peut rendre la prospection en général et celle pratiquée par les U.D.M. en particulier, devront faire l’objet de conférences, d’expositions et d’articles de presse. C’est à notre sens le meilleur moyen d’éviter, dans le monde des prospecteurs, certains dévoiements qui peuvent leur être reprochés.
CONCLUSION
Devant un phénomène de société d’une telle ampleur, rien ne sert d’interdire en bloc ni de réprimer ce que l’on n'a pas été capable de contrôler et d’exploiter. Le vrai défi est d’associer plutôt que d’exclure et de rechercher les conditions d’une collaboration pérenne entre les prospecteurs U.D.M. et les archéologues de terrain et surtout, d’éviter une fracture définitive entre deux mondes qui sont en réalité bien complémentaires.
Le service juridique de la F.E.P.

Mention légale : 
Article L.542-1 du Code du patrimoine : « Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d’objets métalliques, à l’effet de recherches de monuments et d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche. »